Il y a eu un temps, celui d’avant, ou elle était fière, droite et très belle. Un temps ou l’hésitation ne faisait pas partie de sa vie, un temps où elle avançait vite et savait ce qu’elle voulait. Ça, c’était avant, bien avant de se découdre.
Alors voici l’histoire d’une femme sans âge, sans nom, une femme parmi tant d’autres. Une fleur coupée trop tôt, qui s’est fanée tranquillement au fil du temps, un temps qu’elle ne contrôlait presque plus car son cerveau éméché titubait, s’égrainait, se décousait.
Ainsi débuta le grand naufrage. Au début elle oublia de petites choses, un chiffre, un papier, un rendez-vous, puis, un souvenir, le nom de son parfum … de son enfant. Elle déposa le sucre dans la salière et elle en ri, puis elle échappa un souvenir, ici et là, et elle s’en attrista.
Les cicatrices de son passé ont sournoisement refait surface, petit à petit elle a mélangé le temps réel au temps passé. Le lien s’est rompu et sa vie s’est mise à se balancer à gauche, puis à droite et peu à peu sa vie réelle s’est mise à s’effacer la laissant doucement devenir la femme décousue.
Alors, un certain jour d’une incertaine année, la femme décousue s’est assise sur une petite chaise droite dans le fond d’une grande salle, elle a étiré les manches de son chandail rouge et y a caché ses petits doigts tout frippés, a balancé ses pieds, a souri et a fermé les yeux.
S’est ainsi que la femme décousue est partie … retrouver son temps !